Le mortier de marbre

Maître Nam Loi fut introduit aux arts martiaux par son oncle. Voici le récit de cette rencontre à travers son souvenir d'enfant.

Cela se passe au Vietnam, à la fin des années 70. Il était très jeune à cette époque. La chaleur extrême de l'été le poussait à se tenir dans le cadre de porte de la cuisine, au centre de la maison, où le courant d'air continu le rafraîchissait un peu.

Il y avait cet homme, un membre de la famille qu'il connaissait peu, qui revenait à tous les jours. Il avait les côtes saillantes, les traits tirés et le regard dur et droit. Il entrait toujours sans même le regarder. Sa présence imposait à la fois peur et respect. Il avait le regard et la détermination d'un homme qui avait le pouvoir de tout transformer sur son chemin.

Cet homme se rendait directement à la cuisine, prenait un gros mortier de pierre, d'environ 30 kilos, qu'il plaçait sur un long banc de bois. Il se plaçait alors devant ce mortier, en position parfaite de cavalier, les jambes à 90° et le dos bien droit, et frappait inlassablement la pierre dure pour la faire glisser d'un côté à l'autre sur le banc. Il revenait à tous les jours et s'entraînait ainsi pendant des heures. Le jeune maître Nam Loi restait en retrait, intimidé, n'osant même pas traverser la cuisine pour aller à la salle d'eau.

Des mois plus tard, quand la chaleur accablante de l'été fit place à la fraîcheur de l'automne, l'homme pris un grand chaudron de métal qu'il remplit de sable. Maître Nam Loi se souvient de la fumée et des étincelles qui virevoltaient et remplissaient la petite cuisine lorsqu'il plaçait le chaudron au-dessus du feu. Il le regardait planter ses mains dans le sable chauffé.

Un jour, l'oncle s'arrêta, se retourna vers le jeune garçon et lui intima de prendre place à ses côtés. C'est ainsi qu’à l’âge de cinq ans, le jeune maître en devenir fit sa première posture du cavalier. Sans qu’il eut le temps de se questionner sur ses intérêts et désirs personnels, il entra alors sur la voie que le Destin lui avait tracé. À travers les années, il sera présenté à plusieurs maîtres installés au Vietnam qui le formeront sur la voie martiale.

Depuis, il s'est approprié cette destinée à travers son dévouement à l’entraînement et son désir de toujours pousser plus loin la compréhension non seulement de la voie martiale mais de l’être humain. Fort de ces années d’intense apprentissage, il enseigne maintenant à ceux qui ont le cœur sincère et la volonté d'apprendre.